Ecoutons la voix des jeunes !
Forum Assomption France, Lyon Valpré 31 mars 2023
Laissons-leur ici la place…
Comme chaque année, nos communautés éducatives s’est réunie à Lyon Valpré. 280 jeunes et adultes sont venus des 15 établissements du réseau Assomption France. Le thème du rassemblement « Écouter la voix des jeunes » a mobilisé toute l’équipe d’Assomption France Formation Animation pour offrir un programme riche et dynamique.
La soirée a été un grand temps fort : le premier Concours d’éloquence Assomption France, sous la présidence de David Groison, Rédacteur en chef de Phosphore du Groupe Bayard, avec la citation de Sainte Marie-Eugénie, Fondatrice des Religieuses de l’Assomption : « Il y a du bon en tout être humain ».
Écouter la voix des jeunes, c’est s’ouvrir à une nouvelle idée de l’école, de la relation, de la rencontre. Ecouter la voix des jeunes, c’est oser ne rien programmer pour lui, mais se laisser surprendre par ce qu’il nous apporte, avec audace et humilité. Ecouter la voix des jeunes, c’est jouer sur les rôles pour mieux voir, prendre du recul et agir.
Présentation de Théa, Assomption Lyon
« Il y a du bon en tout être humain » a dit Marie-Eugénie. A l’ère de Poutine, vous n’y croyez pas j’en suis sûre ! Quelle mouche a pu piquer Marie-Eugénie vous demandez vous ? Est-ce son côté bon chic bon genre née dans une famille aisée, dans un milieu où tout lui paraît bon ? Ou parce qu’une avenue du 16ème arrondissement de Paris porte son nom ? Facile à dire quand on n’a pas connu Hitler ni Staline ! n’est-ce pas ? Ou alors quand on a grandi avec Eugénie Grandet et Alice au pays des merveilles ! Moi aussi j’aime Alice, j’ai ce que j’aime et j’aime ce que j’ai… Mais je ne suis pas donneuse de leçons !
C’est vrai que Marie-Eugénie n’a connu que le 19ème siècle, celui de l’apprentissage de la démocratie, celui où cinq régimes politiques différents se sont succédé, aux noms plus romantiques les uns que les autres, comme la restauration, ou la monarchie de Juillet, ou encore le second empire. Ce siècle où tout semblait bon, où l’on se laissait bercer par la locomotive à vapeur pour voyager, où sa facture énergétique devait être nulle puisqu’on ne risquait pas d’oublier l’ampoule allumée.
Dans le monde d’aujourd’hui, le moindre acte de bonté nous surprend, nous stupéfie, comme si nous refusions de reconnaître la bonté comme une caractéristique humaine naturelle. Nous passons plus de temps à chercher une motivation cachée, une explication extraordinaire à un comportement bon qu’à nous étonner d’un comportement cruel !
Peut-être aussi que l’actualité a toujours tendance à nous ramener à des réalités cruelles, celles de la guerre, des famines, de tous ces malheurs causés par les hommes sur d’autres hommes.
J’ai toujours entendu dire que l’homme était capable du meilleur comme du pire. Pourtant, plusieurs études récentes ont montré que l’homme est naturellement altruiste dès son plus jeune âge.
À une question qui lui a été posée par l’académie de Dijon en 1764 sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, Jean-Jacques Rousseau répondait que l’homme est naturellement bon, que c’est la société qui déprave et pervertit. Pour Marie-Eugénie, cette bonté est innée, elle se révèle sous le regard porté par l’éducateur sur son élève, se développe grâce à l’éducation, s’épanouit sous l’influence de messages bienveillants et de mots encourageants. Le Robert nous explique qu’être bon c’est être porté à faire le bien, à être bon pour les autres. Pour y arriver, Marie-Eugénie a tout misé sur l’éducation des jeunes. Elle disait vouloir ainsi « donner des convictions, enfoncer des racines, qui tôt ou tard, portent leurs fruits ». Le rôle de l’éducateur est de faire jaillir le meilleur de chaque jeune.
À la fructification, un fruit est sain. Un peu avant la cueillette, il peut être infesté par un ver qui va creuser des galeries dans la chair, jusqu’aux pépins. Le fruit malade tombe alors à terre et n’est plus consommable.
Marie-Eugénie a semé du bon à tout vent. Les jeunes, ses jeunes à elle, allaient à leur tour prêcher du bon, communiquer du bon, puis un jour devenir adultes, avec toujours du bon en eux.
Ils finiront par prendre toute chose du bon côté et transmettront à leur tour du bon à leurs progénitures. Au fait… ne serait-ce pas ce qu’on appelle le « dégagement joyeux » ?
Marie-Eugénie a écrit : « la seule pédagogie efficace est celle de l’amour et de l’exemple ».
Si vous êtes bon et que vous le partagez avec votre enfant, ce qu’il porte de bon s’exprimera en lui. Partager cette lumière qui part de dedans et la transmettre aux générations futures, est notre mission à nous tous ici réunis.
Être bon, c’est une vocation universelle, une course d’endurance, Marie-Eugénie en avait conscience. Une de ses dernières phrases n’a-t-elle pas été d’une grande lucidité ? « Je n’ai plus qu’à être bonne », ce n’est pas peu dire ! Être bon c’est le chemin de toute une vie. Qui a dit que le ver qui infeste le fruit est une chenille qui va devenir à l’âge adulte un papillon nocturne ? c’est moi qui vous le dis !
__Théa
Présentation de Anna, Assomption Bordeaux
Bonsoir, je vais vous raconter une histoire : Un enfant sort de sa maison et voit dans son jardin un oiseau tombé du nid. Il a une sorte de pulsion et… l’écrase entre deux pierres ! Bon. Je vais vous raconter une histoire : Un enfant sort de sa maison et voit dans son jardin un oiseau tombé du nid. Il a une sorte d’élan et…le ramasse et va vite le porter à la ligue de protection des oiseaux pour qu’il soit soigné.
En fait ce ne sont que des histoires. Mais qu’est-ce qui fait que cet enfant, cette jeune fille, cet adulte, d’ici ou d’ailleurs, choisit ceci ou cela ? « Il y a du bon en tout être humain ». Comment savoir ? On le sait quand il fait le bien autour de lui. Alors qu’est-ce-que le bien ? Le principe de vie, l’attention à l’autre. Ensuite, s’il y a ‘’du bon », il n’y a pas « que » du bon en tout être humain : qu’il y a-t-il d’autre ? L’inverse ? La volonté de détruire, le mépris, le rejet de l’autre. Le mal, quoi. Mais n’est-ce pas un peu caricatural ?
Je reprends mon histoire : Un enfant sort de sa maison et voit dans son jardin un oiseau tombé du nid. Pauvre petit oiseau ! Il le ramasse plein de terre, lui fait prendre un bain chaud, le nourrit de force avec une pipette… le lendemain l’oiseau est mort. On peut donc être bon et faire du mal en voulant faire du bien ? Que faut-il considérer ? Les résultats de ses actions ou juste ses intentions ? Bienvenue dans ce monde complexe et ambigu où nous sommes perpétuellement mis à l’épreuve.
Ainsi, en ces temps de massacres, d’attentats, de guerres et de faits divers tragiques, il est difficile de se convaincre que, comme le dit Marie Eugénie, il y a du bon dans tout être humain…
Mais face à la souffrance du monde se lèvent les bonnes volontés ! ONG, MSF, Médecins du Monde, et tant d’autres, qui viennent endiguer les méfaits des hommes qui n’ont pas que du bon.
Merci à tous ces chercheurs, ces médecins, ces infirmiers, toutes ces petites mains qui viennent jour après jour au chevet de nos malades, de nos anciens. Oui, décidément il y a toujours du bon dans ces gens là.
Et puis, je pense plus largement aux bienfaiteurs de l’humanité : St Vincent de Paul qui consacra sa vie à soigner les plus pauvres. Parmentier qui, en introduisant la pomme de terre en Europe, sauva des populations entières de la famine. Et Mère Térésa, et l’Abbé Pierre …
Bon, je ne vais pas continuer, la liste est longue…et puis on peut se dire que ce sont des êtres exceptionnels.
Mais, nous, toi, moi, eux partout autour du monde ?
Mon frère, ma sœur, mon ami, un regard attentif, une lueur nouvelle dans tes yeux, une larme de compassion qui coule sur ta joue, une tape amicale sur mon épaule quand je suis en souffrance et je serai sauvé ! Si nous sommes chacun porteurs de ces notions que sont le Bien, l’amour universel, la solidarité, la fraternité, nous avons un programme quotidien ambitieux pour entretenir ce feu sacré, souffler sur ces braises précieuses face aux démons qui nous envahissent. Nous sommes tous responsables de cette obligation si nous voulons sauver notre planète. S’il y a du bon en chacun, je le vois comme une graine qui fructifie ou pas selon qu’elle reçoit de l’eau, de l’air, du soleil, de l’attention, de l’amour… Elle est le principe de vie. A nous de la faire croître ! Comment ? En sortant de nous mêmes, en regardant l’autre quel qu’il soit – être humain, animal ou végétal – avec bienveillance, en cherchant à agir pour préserver la beauté du monde.
Alors chut… Je reviens à mon histoire :
Après avoir écrasé l’oiseau entre deux pierres, l’enfant s’enfuit en larmes dans la forêt.
Sur la plus haute branche d’un chêne, un oiseau chantait…
__Anna
Présentation de Eva, Assomption Lübeck
Y a-t-il du bon en tout être humain ?
La définition de ce qui fait qu’un individu est bon varie en fonction des cultures, des valeurs et des contextes sociaux. Être « bon » est souvent associé à des traits telles que la bienveillance, la générosité, la compassion, l’empathie, la sincérité, la loyauté ou l’altruisme. Les personnes considérées comme « bonnes » sont souvent celles qui ont un fort sens de la moralité et qui font de leur mieux pour faire le bien autour d’elles en aidant les autres et en faisant preuve de respect et de considération.
Y a-t-il du « bon » en tout être humain ?
Cette question a beaucoup agité de nombreux philosophes depuis des siècles.
Machiavel au XVe siècle écrivait que les hommes sont de nature mauvaise et pour qu’ils fassent preuve de bonté ils doivent y être contraints par la force, les lois ou la pression sociale.
Hobbes, philosophe anglais du XVIIe siècle, ne dit pas autre chose. Les humains vivent dès leur naissance selon « l’Etat de Nature » où chaque individu exerce une contrainte sur l’autre et vit dans un état de guerre avec lui. L’Homme est un loup pour l’Homme. Et c’est l’État, création humaine, qui est destinée à mettre fin à cette barbarie naturelle. Ainsi l’Homme n’est-il pas, pour Hobbes, naturellement « bon » mais c’est la société qui l’y contraint.
Jean-Jacques Rousseau, un siècle plus tard, dit exactement l’inverse. Dans son « discours sur l’origine des inégalités parmi les Hommes » il affirme que l’homme d’avant la civilisation naît « bon ». C’est « le bon sauvage ». La civilisation, au contraire de ce que prône Hobbes, corrompt l’Homme et la notion de propriété génère des inégalités et la concurrence. Ainsi la société vole-t-elle à l’Homme son innocence et de « bon » le rend « mauvais ».
En 1963, Hannah Arendt, relatant le procès à Jérusalem d’Adolf Eichmann, l’un des pires assassins nazis, propose le concept philosophique de « banalité du mal ». Ainsi ce criminel aurait abandonné son « pouvoir de penser » pour n’obéir qu’aux ordres de ses supérieurs en reniant cette « qualité humaine caractéristique » qui consiste à distinguer le bien du mal. Je suis en désaccord profond avec cette théorie. Il avait, à mon sens, parfaitement conscience de faire le mal et avait volontairement, pour une idéologie mortifère, relégué le peu de « bon » dont il disposait peut-être aux oubliettes de son esprit. Cependant je me suis intéressée à l’expérience de psychologie édifiante du Professeur Milgram, à la même époque aux USA. Elle tend à montrer comment des individus lambda sont capables, sans remords, de torturer à mort leurs congénères sous la simple pression d’une autorité morale et scientifique bien orchestrée. Cette expérience vient appuyer le concept de « banalité du mal » de Arendt.
Alors qui a raison, qui a tort ? Y a-t-il du « bon » dans l’homme ?
Quand j’observe le monde où je suis née et mes contemporains je ne vois que violence, guerres, massacres, génocides, corruption et avidité. À l’évidence le « bon » n’est pas naturel. Et je me félicite de vivre dans le pays de Voltaire où les philosophes des Lumières, luttant contre l’obscurantisme, l’ignorance, l’arbitraire et le fanatisme ont permis l’émergence d’une société démocratique où le meilleur, le « bon » de l’Homme peut s’épanouir. Mais je veux croire, grâce à l’optimisme de ma jeunesse, que quelque part au tréfond de notre cerveau reptilien, hérité des premiers temps pré-civilisationnels de l’humanité, existe une zone où se tapit le « bon ».
Il suffit de la réveiller.
__Eva