À L’ÉTRANGER
Avant de partir pour une carrière de 20 ans à l’étranger (Angleterre, Allemagne) j’étais en fait repassé voir ma prof de math, Bernadette Forest. Elle allait rentrer en cours et sa classe turbulente avait été sidérée de nous voir nous faire la bise. Je devais plus qu’une mention au Bac S à Bernadette, plus que le job de moniteur de colonie de vacances qu’elle m’avait proposé à 16 ans, j’avais découvert que l’école ne consistait pas une remplir un curriculum et obtenir un diplôme avec la plus belle mention possible, l’apprentissage était un processus de vie toujours renouvelée, construite sur la recherche persévérante (crédit aussi à Mme Lamure), la curiosité intellectuelle, l’insatisfaction de l’incompris (Bernadette faisait de la recherche en math en salle des profs!).
Donc en cette fête de jubilé – était-ce les 150 ans de Bellevue ou de Marie-Eugénie – tous étais là : des anciens profs respectés ou amis, le joli parc que nous avions saccagé un printemps, la chapelle au beaux vitraux modernes de ma communion et des Sœurs montrant le même enthousiasme et intérêt pour les autres avec sourire et ouverture.
1977
FORMATION
Les Sœurs sont donc toujours là : Anna, Laure… qui ne vont pas tarder à me mobiliser sur un mandat bénévole d’administrateur. Dans ce cadre, lors d’une formation d’administrateur à Auteuil, Sr Véronique qui anime la formation m’étonne et me donne une clef fondamentale pour comprendre les sources de mon développement en nous exposant l’anthropologie et le rapport à l’humain chez la fondatrice de la congrégation, suivi par un remarquable exposé de Sr Claire Myriam sur la question environnementale dans la pensée de l’écologie chez Mère Marie-Eugénie (MME sur les slides !). Ce fut une révélation : il y avait bien eu un projet éducatif voulu par mes parents, réalisé par l’école, dans leur choix de me maintenir à Bellevue et ma volonté intraitable d’y rester (j’y accompagnais Laurence, mon ainée, comme petit écolier mais j’étais sensé suivre mes frères aux Chartreux dès le collège) avec mes potes Vincent, François et Olivier. Ce projet, je venais d’y mettre des mots pour le comprendre clairement, explicitement.
On ne parlais plus – ou pas encore – de MME dans les années 70 et 80. Comme élève, l’objectif éducatif affiché ou non n’est pas un fil rouge éclairant mais est plutôt vécu comme une suite de contraintes qui passe par la confrontation avec les autres (les profs, les surveillants).
30 ANS APRÈS
Développer l’intelligence dans la liberté, vivre avec son temps, simplicité des relations, développer sa grâce particulière, ces mots du projet apostolique maintenant clairement formulés et que je découvre après 30 ans correspondent exactement avec mon souvenir, mon ressenti dans ces années à l’Assomption. Je cite : « L’Assomption reconnaît dans toute personne une liberté qui laisse à chacun sa forme particulière, le caractère de sa grâce. » ; former une personne « appelée à transformer la société, en exerçant ses responsabilités avec audace et humilité » ; « Former des caractères trempés, avec une attention particulière pour la droiture, la franchise, la loyauté, l’honneur, la générosité, le dévouement… » Cette liberté et cette authenticité dans le présent, je les ai bien vécues à Bellevue. Vertus vécues, parfois inutiles souvent oubliés -et d’autres qualités auraient été bien utiles pour affronter l’expérience de la vie, mais somme toute, ces années d’apprentissage
enfouies et déterrées par l’écriture de ce témoignage sont bien le fondement
de ce que je suis devenu. Ou ce vécu reste-il un mystère de l’incarnation qui habite
l’assomption ?